Madame Hayat
De l’aveu de mes amis, le grand fantasme, quand on est jeune, c’est de se faire dépuceler par une femme d’expérience. Fazil a cette chance. Il tombe sur Madame Hayat (hayat signifie « la vie ») et avec elle il apprendra non seulement à faire l’amour mais à goûter aux vrais plaisirs de l’existence : « Madame Hayat était libre. Sans compromis ni révolte, libre seulement par désintérêt, par quiétude, et à chacun de nos frôlements, sa liberté devenait la mienne ».
Fazil étudie la littérature ; elle, grande iconoclaste, ne jure que par la nature et de leurs discussions (voire leurs disputes) naît la complicité : « Son esprit paraissait ressembler à ces étranges bazars où, à côté de la camelote la plus ordinaire on trouve les antiquités les plus précieuses ».
Fazil est jeune, il rencontre Sila, étudiante comme lui. Ils ont en commun d’aimer les lettres, d’avoir été riches et de supporter la déchéance de leurs familles condamnées par le régime en place.
Fazil s’étourdit entre ces deux amantes, deux facettes d’un éternel féminin mais aussi deux versions d’un impossible destin. Faut-il quitter la Turquie et sa dictature à peine voilée, s’en affranchir en partant à l’étranger ? Ou faut-il se résigner, tenter de résister, au risque de croupir dans une geôle ?
Ce roman est un hymne à l’amour que l’auteur dépeint comme une mosaïque : chaque jour est un fragment précieux dont on perçoit la beauté quand il est trop tard, quand l’œuvre est achevée.
Si vous avez aimé « L’immeube Youcoubian » d’Alaa al-Aswany, alors vous succomberez au charme du roman d’Ahmet Alan. Il n’en a pas la puissance politique (malgré une dénonciation évidente du régime) mais l’évocation, intelligente et pudique, de la relation entre Fazil et Madame Hayat vaut, à elle seule, le détour.
Bilan :🌹🌹