Chronique littéraire sur Instagram, année 2

Chronique littéraire sur Instagram, année 2

 

Un écrivain connu m’a interpelée en me demandant si j’étais une professeure de lettres. Un éditeur m’a suspectée, dans un éclair de génie, d’être le pseudonyme de l’autrice que je fustigeais moi-même.

Rien de tout cela. Derrière le masque de Littéraflure se cache une auteure publiée. Ou peut-être l’ambassadrice d’un collectif d’auteures d’un certain âge, amusées de pourvoir évoluer dans un monde qui leur ressemble si peu : Instagram. Je vous laisse dans le doute et reprends la première personne du singulier. Si un(e) journaliste désire en savoir plus, il est le bienvenu. Je l’attends.

C’est important de signaler que je suis auteure. Trop souvent, des lectrices gênées par une de mes critiques virulentes à l’encontre de leur auteur fétiche s’adressent à moi en disant, scandalisées : « comment osez-vous ? Vous ne savez pas même pas ce que cela implique d’écrire ! » Et bien si, justement, je comprends la difficulté d’écrire, je sais en apprécier l’effort.

C’est un exercice compliqué de juger l’ouvrage d’un confrère tout en faisant abstraction de la peine qu’il a parfois éprouvé en l’écrivant. Les auteurs n’aiment pas que l’on critique leurs ouvrages, ce sont leurs enfants. Or, les parents n’aiment pas que l’on se moquent de leurs enfants.

Je lis une centaine de romans par an. Dans 50% des cas, je songe à arrêter d’écrire parce que la beauté du texte et le talent de son auteur m’impressionnent et m’invitent à lâcher la plume, et à me consacrer exclusivement à ces chroniques. Dans 50% des cas restants, je me dis que la maison d’édition n’a pas fait son travail et que le texte ne mérite pas l’attention qu’on lui accorde. Je suis alors en colère. Pourquoi ? Parce que je connais beaucoup d’écrivains qui, eux, désespèrent d’être reconnus – pour de bonnes raisons.

Non, je ne suis pas gentille. Je suis lucide. J’avais prévenu dès le début. Je me méfie de la bienveillance. En son nom, la complaisance et la médiocrité triomphent.

On m’a reproché récemment mon souci de l’anonymat. La principale critique est venue d’une bookstagrammeuse célèbre dont l’indiscutable enthousiasme n’a d’égal que son insondable naïveté. Est-ce si difficile à comprendre ? À partir du moment où je me dévoile, mes chroniques perdront leur objectivité car je serai tributaire de mon histoire, de mes lectures passées et des opinions que je tiens dans mes romans. Je tiens ici à remercier du fond du cœur les rares personnes qui savent qui je suis et qui ont, je ne sais pas par quel miracle, tenu leur langue jusqu’à maintenant.

Cet anonymat est le garant de mon indépendance tout comme le fait que je paye l’intégralité des romans que je lis. Cela me coûte entre 1500 et 2000 euros par an. Voilà le prix de la liberté. Je n’en veux pas aux bookstagrammeurs qui se font rétribuer par des maisons d’édition pour chroniquer des livres, je leur dis simplement que la seule manière de ne pas être suspecté de complaisance, c’est de payer ses livres et de ne pas être rémunéré pour en parler.

Je ne me considère pas comme une influenceuse mais comme une curatrice. Désolée si cela vous paraîtra prétentieux. Ma légitimité vient de mes lectures et de mon expérience de l’écriture. Ce ne me rend pas moins opportune qu’une autre. Mon but est de dynamiser (voire de dynamiter) Instagram de l’intérieur. Pour deux raisons.

La première, c’est que je vois en Instagram un complément salutaire à la critique littéraire. Soyons sincères, les journalistes (à quelques exceptions près) n’ont pas le temps matériel de lire les livres. C’est effrayant, j’en sais quelque chose, car je n’arrive pas à lire plus de deux bouquins par semaine. Pour qu’un bouquin décolle, l’auteur doit prier qu’un journaliste fasse un premier « bon papier » que tous les autres copieront par la suite. Les chroniqueurs d’Instagram vont donc offrir une alternative à l’opinion des journaux. C’est une bonne chose.

La deuxième, c’est que je vois malheureusement les bookstagrammeurs tomber dans les mêmes travers que les journalistes : copinage, renvois d’ascenseurs et compromis divers. La frontière est de plus en plus mince. Et on suspectera même les bookstagrammeurs de frayer dans ces milieux pour obtenir leur place dans le grand cirque littéraire. Disons-le, Instagram est devenu le « the voice » de l’édition parisienne. Il en sort quelques pépites… et beaucoup de platitude. Entre parenthèse, voici une autre preuve (enfin, je crois) de mon honnêteté : beaucoup de ces bookstagrammeurs viennent à la chronique pour espérer se faire éditer. Moi je suis venue sur Instagram après avoir publié quatre romans.

Je reçois pas mal de messages de la part d’écrivains, d’éditeurs, d’agents et de journalistes. Ils valident tous mon code de conduite (ni SP, ni invitations) et me disent parfois combien j’ai eu raison d’étriller tel ou tel livre. La littérature est un théâtre où les assassinats se perpétuent en coulisse.

Curatrice disais-je. Je tiens à saluer les maisons d’éditions qui continuent à me suivre et à me citer, même si j’ai eu l’outrecuidance d’érafler un de leurs chouchous. C’est une grande preuve de maturité. D’autres ont tout bonnement cessé de relayer mes avis. Quelle erreur ! Ils prennent vraiment les lecteurs pou des imbéciles. Moi je crois qu’un lecteur accordera plus de crédits à la bonne critique d’une chroniqueuse qui a pu avoir la dent dure qu’à celle d’une chroniqueuse dont les opinions sont gâtées par ses allégeances et ses compromissions.

La puérilité n’est pas loin. La célèbre bookstagrammeuse dont je parlais s’est désabonnée de mon compte parce qu’elle n’était pas d’accord avec moi. Quel manque de maturité ! D’autres chroniqueurs ont fait le chemin inverse, ils m’ont suivie justement parce que leurs opinions différaient des miennes, comprenant tout l’intérêt qu’ils pouvaient retirer de nos différends.

J’ai presque 7000 abonnés. Ce n’est rien, d’après les stars de Bookstagram. Soyons clairs. Il est hors de question que je me dévoie pour en acquérir le double. J’ai pris le parti de la polémique, de ne pas flatter tous azimuts, parfois de déranger. Je ne montre pas mes enfants, mon décolleté, ma nouvelle recette de pâtes. N’étant pas payée par un éditeur, il n’y a aucune raison que ce dernier reprenne mes chroniques. La croissance du nombre des abonnés dépend uniquement de l’intérêt qu’ils porteront à mon compte.

Je voudrais revenir sur mon système de notation. On me demande sur quelle base je donne trois roses à un roman. C’est très simple. Il faut qu’il réunisse plusieurs des critères suivants : une histoire (plausible, originale), une intrigue (captivante), un style singulier, des personnages justes (crédibles, attachants) et une vraie richesse documentaire (que j’apprenne, en lisant). J’ai un immense respect pour les auteurs qui inventent une histoire et font les recherches nécessaires pour lui donner corps. J’ai noté aussi que les romans auxquels je donne trois étoiles me restent longtemps en mémoire. Cette capacité à marquer l’esprit est pour moi un gage de qualité.
Pour les couteaux, c’est simple, il suffit que le roman soit bâclé, peu exigeant dans sa résaction, et/ou dicté par des impératifs commerciaux.

 Je suis entrée dans le monde d’Instagram avec beaucoup de préjugés. Girlie, superficiel, mélange des genres, immaturité… Tout ceci est vrai. Mais ce réseau social abrite aussi une communauté de lectrices et de lecteurs passionnés avec qui j’ai parfois des échanges très enrichissants. C’est à vous que je dédicace ce bilan de deuxième année. Quant à moi, je rempile pour une troisième !

 

 

 

 

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