L'archiviste
Toutes les nations n’ont pas la chance de naître sur des légendes, de celles qui inspirent de glorieux récits. Certaines surgissent d’un tas de cendre ou d’un bain de sang (Holodomor, Tchernobyl, Maïdan). En sont-elles moins légitimes pour autant ? Leur martyr les rend-elles moins respectables, pitoyables aux yeux des vainqueurs proclamés ?
L’archiviste s’appelle « K ». K comme Koszelyk, Kafka ou M. Klein. Gardienne de la bibliothèque, elle est harcelée par un émissaire de l’envahisseur, décidé à réinitialiser la mémoire de l’Ukraine. Pour ce faire, il l’oblige à réécrire les poèmes, repeindre les tableaux, falsifier les documents… dévier le cours naturel de l’histoire, tel un dieu mauvais. Sa mission est impossible. Chaque mot barré accentue la défaite (p52). En servant les dessins du censeur, elle anéantit l’espoir de recouvrer la liberté.
L’art survit aux hommes. Le profaner, c’est mourir deux fois. Alors K résiste. En confiant la contrefaçon à sa faussaire, l’émissaire en oublie son pouvoir d’agent double : dissimuler les signes de la révolte sous son apparente résignation.
Chaque œuvre examinée par K permet à l’auteure de nous faire redécouvrir les fondations de la culture ukrainienne. Le procédé de la rêverie nous emmène à la rencontre de figures telles que Tchoubynsky, Chevtchenko, Horska ou Primatchenko.
Brouillon dans la forme (la construction patchwork entre récit, souvenirs et histoire contemporaine), brillant sur le fond (la culture classique de l’auteure est un régal), l’Archiviste est un hommage émouvant à la nation ukrainienne.
Bilan :🌹